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jeudi 28 avril 2022

Les habitants de la rue du Hautbois à Mons sont préservés de la peste


 
 

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Mons en livres et en images : http://monsenlivresetenimages.blogspot.com/
 
 
    Avant de découvrir le texte d'Anselme de Wonck, précisons que, comme le précise Charles Rousselle, la rue du Hautbois, citée en 1290 sous le nom de Hault Bos, est l'une des plus vieilles rues de la ville de Mons et qu'« il est certain qu'elle comprenait anciennement les rues actuelles du Haut Bois, de la Halle et des Chartriers. Entre autres preuves, nous citerons un document de 1728, relatif à une maison située en la rue du Haut Bois vis-à-vis des Pauvres Chartriers ; et un chirographe de 1791, qui vise de vieux titres, et qui concerne la « brasserie de l'Empereur, en la rue du Haut bois, sur la Croix Place, tenant par derrière à la rivière de Trouille. »

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Texte d'Anselme de Wonck
 
 
   Une cruelle épidémie vint en 1615 et en 1616 désoler la capitale du Hainaut. D'après de Boussu, elle s'introduisit à Mons par une femme étrangère venue de Wesel le 8 Juillet 1615. Vinchant, dans ses Annales du Hainau, nous en fait connaître les ravages : « Une horrible pestilence affligea misérablement la ville de Mons, et fut si aspre que durant l'espace de quatre ans qu'elle continua ravit au tombeau plus de dix mille personnes. À raison de quoy la dite ville fut rendue comme un désert, tant pour le nombre de personnes qui y moururent que pour les bourgeois qui se retirèrent hors d'icelle ville es lieux champestres. »

   Une jeune fille d'Œudeghien avait été placée en service chez un bourgeois de la rue du Haut-Bois. La peste venait d'éclater dans cette rue et menaçait de s'y propager d'une façon aussi meurtrière que dans les autres quartiers de la ville, lorsque la servante engagea ses maîtres à recourir à l'assistance de Notre-Dame du Buisson ; elle leur raconta les faveurs insignes obtenues par ceux qui allaient les solliciter.

   À cette époque les relations de voisinage gardaient encore l'empreinte de la fraternité chrétienne ; aussi toute la rue n'hésita pas à se placer sous la protection si puissante de Celle qu'on n'invoque jamais en vain et fit le vœu de se consacrer à Notre-Dame du Buisson.

   Jean Gallée, sur le rapport des gens de bien, c'est-à-dire de témoins consciencieux, déclare que dés ce moment « les habitants de la rue du Haut-Bois à Mons furent admirablement préservés de la peste. » Aussi pour marquer leur reconnaissance envers la Vierge d'Œudeghien, ils s'empressèrent d'accomplir leur promesse. En grand nombre ils se rendirent à la chapelle du Buisson pour y remercier la bonne Vierge de les avoir préservés des atteintes du terrible fléau.
 
 

 
    Pour perpétuer le souvenir de la protection merveilleuse dont leur rue avait été l'objet, les habitants placèrent une statue de Notre-Dame du Buisson dans une niche pratiquée à la façade d'une des habitations. Au-dessous on lisait l'inscription :

NOTRE DAME DU BUISSON 
puis ce distique :
Pestis in  hâc plateâ nullâ medicabilis arte 
Saevit. Fit votum, fert pia mater opem 
   Enfin un chronogramme marquant l'année 1617 :
 deIpara InVoCatUr, pesteM fUgat.
   Cambier a traduit le distique en vers français : 
Une peste cruelle exerce sa furie 
Dans cette  rue ; sous le nom 
De Notre-Dame du Buisson 
On invoque Marie.
 Le fléau cesse et dans l'instant 
La mort rompt son dard impuissant.

   La statue et les inscriptions subsistèrent jusqu'à la fin du siècle dernier.

   Non contents de l'érection de cette chapelle, les protégés de Marie constituèrent une pieuse confrérie sous le vocable de Notre-Dame du Buisson. Chaque année, le jour de la fête des saints apôtres Pierre et Paul, le 29 juin, les confrères se rendaient en corps précédés du tambour et de leur drapeau à la chapelle d'Œudeghien et y faisaient célébrer une messe solennelle. Vers la fin du XVIIIe  siècle, ils se contentaient d'envoyer quelques délégués qui faisaient au nom de tous ce pèlerinage annuel.

   Les confrères de la rue du Haut-Bois avaient tenu en outre à contribuer à la décoration de la chapelle du Buisson. Ils y faisaient brûler un grand cierge de cire blanche qu'on portait chaque année à la procession, qui se faisait le 2 juillet. Sur le bassin en cuivre qui servait à le soutenir on lisait cette inscription :

   « Les confrères de la rue du Haut-Bois de la ville de Mons ont entretenu cette chandelle depuis 1616 ».

   Un médaillon attaché à ce cierge portait encore l'attestation de la reconnaissance des Montois :
 « Nostre-Dame du Buisson est de grand mérite contre la contagion. Confrairie de la rue du Haut-Bois à Mons »

   C'était, pensons-nous, la médaille gravée pour tous les membres de la confrérie.

   D'autres dons furent encore offerts par les Montois au sanctuaire d'Œudeghien, notamment quatre chandeliers en cuivre pour le maître-autel. En 1719, plus d'un siècle après l'établissement de leur pieuse association, les confrères donnèrent une lampe pour le sanctuaire et y gravèrent cette inscription :

D. F. P. Le voisein de la rue du Haut-Bois à Notre-Dame de Buisson † Mons 1719.
   Les confrères montois avaient pris à leur charge l'entretien du bénitier de la chapelle.

   Ces détails pourront paraître minutieux, mais comme l'a dit un auteur contemporain, c'est par les petites circonstances qu'on s'intéresse aux grandes et un détail peu important donne quelquefois de la vie à l'histoire ; cela est surtout vrai lorsque ces menus détails apportent des preuves évidentes de la véracité d'un ancien récit, comme c'est ici le cas. Ces petits faits nous sont transmis par Clément Cambier qui écrivait en 1785, et qui en parle comme des choses qu'il a sous les yeux. Voici ses expressions : « C'est en mémoire de cette protection signalée que les dits habitants ont placé une image représentant Notre-Dame du Buisson dans une niche qu'on voit encore à présent enchâssée dans le frontispice d'une maison de la rue du Haut-Bois, avec les inscription suivantes... » Il ajoute : « On remarque à l'entour du bassin de cuivre qui porte la dite chandelle l'inscription suivante... »

    On peut inventer des légendes, mais on n'invente pas des inscriptions. Le témoignage de Jean Gallée contemporain du fait et les diverses inscriptions que nous venons de transcrire, provenant également d'un témoin oculaire tel que Cambier, sont incontestablement des preuves plus que suffisantes de l'exactitude des faits que nous venons de rappeler.

   On voit à la chapelle du Buisson une peinture récente, représentant la ville de Mons et la Sainte Vierge qui apparaît au-dessus de la ville comme pour la bénir et la protéger.

   Au bas du tableau, on lit les deux vers et le chronogramme latins que les habitants de la rue du Haut-Bois avaient placés aux pieds de la statue qu'ils honoraient dans leur quartier.
 

Bibliographie :
   - De Wonck (Anselme), Notre-Dame du Buisson à Œudeghien depuis l'origine du pèlerinage jusqu'à nos jours d'après de nombreux documents inédits, Enghien, Spinet, 1896, pp. 66-70.
   - Rousselle (Charles), Les rues de Mons. Recherches historiques, 2e édition, Mons, Dacquin, 1882, p. 45.
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